Le juge confirme le pouvoir de police du modérateur d’un espace de discussion

Par un arrêt du 11 mars 2003, la Cour d’appel de Paris vient de confirmer la possibilité pour le modérateur d’un espace de discussion de procéder à l’exclusion d’un des participants.

Confirmant un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 12 décembre 2001, la première chambre de la Cour d’appel de Paris a jugé le 11 mars 2003 que l’administrateur d’un espace de discussion avait la possibilité d’exclure un des participants, cette décision constituant une simple « mesure d’ordre interne ».

En l’espèce, l’association ATTAC avait ouvert une liste de discussion « attac-talk » permettant à l’ensemble de ses adhérents de dialoguer. A l’approche de l’assemblée générale, un adhérent utilisa cette liste pour adresser des critiques à l’encontre de la direction de l’association. Suite à cela, l’association décida d’exclure de cet espace de discussion l’intervenant. Appelé à régler le différend, le Tribunal de grande instance de Paris valida le 12 décembre 2001 l’exclusion au motif que l’espace de discussion « constitue un lieu privé ouvert au public sous la responsabilité de l’association qui en détermine librement les modalités de fonctionnement et d’utilisation et qui peut donc prendre les initiatives nécessaires au bon fonctionnement du forum de discussion« .

En l’espèce dès lors que l’attitude de l’internaute « conduisait à une véritable paralysie du forum de discussion, l’association Attac a pu valablement décidé de l’exclure de son forum, étant observé que le demandeur n’a en tout état de cause pais été privé de sa liberté d’expression si l’on en juge par les multiples écrits qu’il a adressés à l’association pour lui faire part de ses revendications et propositions ».

Cette décision fût confirmée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 11 mars 2003. Les juges ont en effet estimé que l’exclusion constitue une « mesure d’ordre interne, justifiée par un comportement contre lequel il avait été plusieurs fois mis en garde, et dont l’appelant ne démontre pas qu’elle constitue un abus de droit ». Ils précisent également que cette exclusion n’était soumise à aucune forme particulière.

Cette position se justifie notamment au regard de l’incertitude qui existe autour du régime de responsabilité applicable aux responsables d’espace de discussion. En effet, ces derniers sont susceptibles d’être condamnés à la suite de la publication de propos condamnables par des internautes. Traitant de cette problématique, le Forum des droits sur l’internet a publié le 8 juillet 2003 des recommandations à destination des juges et des organisateurs de forum de discussion.

Il a ainsi estimé qu’il convient de déterminer le régime de responsabilité au cas par cas : tel forum de discussion pourra relever du régime de l’hébergement lorsque son organisateur conserve une certaine distance éditoriale à l’égard des contenus ; tel autre pourra relever du régime applicable aux responsables de presse lorsque l’organisateur intervient véritablement sur les contenus ou qu’il se les approprie. Par ailleurs, le Forum des droits sur l’internet a souhaité limiter les effets pervers du droit actuel qui risque de sur-responsabiliser l’organisateur de forums qui fait un effort pour retirer les messages « nuisibles » (ex. messages hors sujet, redondants ou illicites). Une telle situation n’est pas souhaitable, car elle inciterait les organisateurs à ne plus contrôler spontanément leurs forums, dans le but d’obtenir une responsabilité allégée.

Pour remédier à ce paradoxe, il a est demandé au juge de ne pas appliquer le régime de responsabilité éditoriale à ceux qui, sans procéder à une exploitation éditoriale des contenus, auraient entrepris une modération a priori ou a posteriori visant à supprimer les seuls messages nuisibles.

Enfin, concernant les organisateurs de forums, le Forum des droits sur l’internet a souhaité promouvoir des comportements responsables, par exemple en incitant l’exploitant d’un forum à pratiquer une modération sur des sujets sensibles et à adopter des chartes de participation claires et suffisamment exhaustives qui pourront ainsi servir de fondements à l’exclusion de tel ou tel participant.

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